OM : Il y a 15 ans, la tête de Boli dans le ciel de Munich
mardi 27 mai 2008, par Amaury Boucheteil
Le 26 mai 1993, l’Olympique de Marseille était le premier club français à inscrire son nom au palmarès d’une coupe européenne. Et quelle coupe ! La Ligue des Champions. Une victoire qui devait décomplexer le football hexagonale. 15 ans après, que reste t-il de l’ivresse de Munich ?
Autant en 2003, il y avait un véritable faste autour de l’épopée de 1993, autant cette année on n’en aura peu entendu parler. Pourtant, hier on fêtait les 15 ans de l’une des plus belles soirées du football français : la victoire en Ligue des Champions de l’OM le 26 mai 1993. C’était il y a 15 ans et pourtant les gens de ce pays jureraient que c’était hier. Le jaunissement des images et la désuétude des maillots n’ont pas entamé l’émotion de cette 44ème minute. Tout y est au détail près : le ballon d’Abédi Pelé qui s’envole, le gardien Milanais Rossi qui hésite à sortir, Rijkaard qui ne peut atteindre Boli, et puis Boli et sa tête qui caresse légèrement le cuir. L’émotion ensuite de ces travées blanches et bleues. La peur, l’angoisse, Barthez, un miracle, Papin en rouge et noir, les chants incandescents et enfin le bout du tunnel : la coupe. Rien ne manquait ce soir là. Les mioches des cours d’école de la France entière s’appelaient Boli, Sauzé, Deschamps, Boksic, Voller… L’OM venait de briser la malédiction des Verts et du Stade de Reims. Enfin.
15 ans ont passés et aujourd’hui une telle ivresse parait être l’apanage des Anglais, Espagnols, Italiens et demain Ukrainiens, Russes. Sorte de grands centres de formation, pillés à souhait, les clubs français sont devenus (à part Lyon) des faire valoir sur l’échiquier du football européen. Qu’il est loin le temps où Paris sortait le Réal Madrid, le Barça et le Bayern, où Auxerre faisait plier le grand Ajax de Van Gaal et où l’OM fracassait l’immense Milan AC. Que s’est-il passé pendant ces années ?
Qu’en avons nous fait ?
Car au début des années 90, les clubs français deviennent des clubs majeurs en Europe. Il y a l’OM bien sûr, le multiple champion de France, vainqueur de la Ligue des Champions en 1993, finaliste en 1991 et demi finaliste en 1990 (ah ! La main de Vata). Géant de l’époque, l’OM aligne les stars comme Papin, Francescoli, Waddles, Boli, Voller et est même proche de faire signer Maradonna. En ce temps là, seul le Barça de Cruyff et le Milan de Berlusconi font jeu égal avec les Phocéens. Mais, il y a aussi Monaco et sa pléiade de vedettes comme Scifo et Klinsmann qui seront finalistes de la coupe des coupes 1992 et demi finalistes de la Ligue des Champions 1994. Il y a encore Auxerre, Nantes, Bordeaux (ah ! ce match contre Milan) et le PSG qui s’offrent cinq demi-finales de coupes d’Europe et une victoire en coupe des coupes en 1996. Oui à cette époque, un club français est un très mauvais tirage pour un club italien, espagnol, allemand ou anglais.
Depuis ? Pas grand-chose. On se retourne fréquemment sur nos souvenirs, sur ces soirées d’Europe au printemps contre la Juventus, Milan, Arsenal… Le football français est redevenu un nain du vieux continent. L’expliquer est à la fois simple et aisé. Il y a bien sûr ce fameux arrêt Bosman que le football français n’a pas fini de pleurer. Rendu par la Cour de Justice des Communautés Européennes en 1995, il rend caduque le système de l’UEFA qui limitait le nombre d’étrangers à trois joueurs sur chaque feuille de match. Avec ce moyen les meilleurs français jouaient dans notre pays et les étrangers recrutés faisaient parti du gotha mondial (Voller, Boksic, Burruchaga, Klinsmann, Weah…).
La France au sommet
Depuis 1995, la donne a largement changé. Pour n’avoir pas voulu entendre les demandes répétées de la Commission Européenne, l’UEFA a vu son système exploser. Chaque club peut désormais aligner autant de ressortissants CE qu’il le souhaite. Les meilleurs français s’exilent dès 1996 (Zidane, Djorkaeff, Lizarazu puis Thuram…) laissant orphelin notre championnat. Depuis, seul Monaco a atteint une finale de Ligue des Champions (2004) et l’OM deux fois une finale de coupe de l’UEFA (1999 et 2004). Lyon de son côté est le seul club à faire régulièrement bonne figure sur la scène européenne grâce à un effectif de qualité mais sans jamais recruter de stars internationales (qui sont inabordables pour l’OL).
Mais s’il n’y avait eu que l’arrêt Bosman. En réalité, les clubs français n’ont pas su évoluer suffisamment vite. L’OM a explosé après l’affaire OM/VA et le football français a alors perdu sa locomotive. Personne n’a pu (n’a su ?) prendre le relais : Paris était bien trop irrégulier (champion en 1994 et vainqueur de la Coupe des Coupes 1996), Auxerre comme Nantes étaient trop petits, Bordeaux se remettait de sa descente administrative en 1991 et Monaco n’a jamais passionné (sauf en 2004). Privé de l’OM, les clubs français ont aussi plongé car du fait d’un système social et fiscal désavantageux. Mais il y a pire. La France n’a jamais su prendre le virage ultra libéral imposé par le football anglais il y longtemps (début des années 1990) et qui produit aujourd’hui ses effets. Les stades sont longtemps restés désuets (le Vélodrome fait peine à voir quand on sait la ferveur du public), les produits dérivés longtemps confidentiels et jamais le football français n’a cherché à se rendre vraiment attirant à l’étranger. Le phénomène culturel ne peut aussi être ignoré. La France ne dispose pas de milliardaires fervents de ballon rond prêts à investir (malgré RLD et Pinault) comme les Italiens (Agnelli, Berlusconi, Morati) en possèdent et qui leur permettent de se maintenir à flot. Pareillement, les Français accordent une importance moindre au football que leur voisin si bien la compétitivité du football français n’a jamais été un sujet majeur des hommes politiques.
Zidane grâce à Boli ?
Largué financièrement, en retard structurellement, le football français est finalement revenu à la place qui a longtemps été la sienne en Europe : la petite. Aujourd’hui, seul Lyon (et encore) possède une chance de triompher en Ligue des Champions. Il reste bien la coupe de l’UEFA (dont Marseille a joué deux finales) mais les clubs hexagonaux n’en font jamais un objectif prioritaire alors même qu’elle est le seul trophée gagnable actuellement (voir en ce sens l’attitude de Bordeaux en 1/8ème de finale).
Il y a quand même dans ce sombre tableau un océan de bonheur : l’équipe de France de 1998 et 2000. Elle est l’agrégat des années fastes du football français mais aussi des conséquences de l’arrêt Bosman. Elle prend racine dans la victoire de 1993 (Barthez, Desailly, Deschamps) et se renforce de l’exode de nos meilleurs joueurs à l’étranger au contact du très haut niveau et notamment en Italie.
Au moins la tête de Boli ne sera pas restée lettre morte…